samedi 30 juillet 2011

Essuyer une déconfiture

(déboires d'un sodomite refoulé à la frontière)

Je te confie, dans la graisse d'oie,            
ces quelques mots de moi
qui ne cassent pas trois pattes
à un canard premier choix.

Je te confie, dans la graisse de canard,
ce cochon de poème avec du lard
qui n'a qu'à soûler tous les fayots
qui le dénoncent à l'abattoir.

Je te confie, dans la graisse de porc,
ces quelques vers un peu forts
qui mijotent avec les rognons.
Ne rognons pas sur l'effort !

Je te confie, dans la graisse graphitée,
ces mauvaises rimes avec gravité
qui veulent rouler des mécaniques
sans rester pieds au plancher.

Je te confie, dans la graisse de bison,
ces signaux de joyeux huron
qui empeste tant le pemmican
qu'il faut que nous sortions.

Je te confie, dans la Grèce d'Oreste,
cette demande un peu leste
qui mêle le théâtre antique
à la cuisine indigeste.

Je te confie, dans la graisse d'ourse,
cette frappe pas très douce
qui bloque le petit chariot
là où il finit sa course.

Je te confie, dans la graisse d'abeille,
ces mots bourdonnés à ton oreille.
-Pfff ! La graisse d'abeille ? Ça n'existe pas !
-Je m'en fous, c'est le néant que tu réveilles.

Je te confie, dans la graisse de lama,
ma grosse envie de toi.
-Non, pas le toit du monde, Ève. Reste !
Mon message, tu l'évites ou quoi !

Je te confie encore, dans la graisse d'oie,
ma très très grosse envie de toi.
-Oh ! Tu me gaves, je n'en suis pas une.
-Alors déplume-toi !

Que je saisisse, dans l'huile de tournesol,
ton corps à même le sol,
pour le frire à mon soleil
au mépris du cholestérol.

Que je saisisse, dans l'huile d'olive,
tes seins visités par ma salive
faisant office de touriste.
Tes seins, dix cas d'initiative !

Que je saisisse, dans l'huile de colza,
ton temple des fesses, ici-bas.
J'en suis accro, Paule, c'est mon agrocarburant.
Hélas ! C'est la façon grecque que tu combats.

Que je saisisse, dans l'huile de lampe,
la position sur laquelle tu campes.
Je ne suis pas un génie de mille et une nuits,
c'est la première seulement et je rampe.

Alors je saisis, dans l'huile de palme,
tes cuisses suintant le chaud napalm
si fort que malgré les serviettes,
le viêt demande un retour au calme.

Avant que je frémisse, au court-bouillon,
l'aigre vice en ébullition,
que jaillisse précoce sur ton coquillage
la marée de mon émotion.

Je me farcis, dans la poitrine de veau,
tes reproches pour être parti si tôt,
ainsi que tes interdits de bonne sœur.
Moi qui voulais revenir avec du beurre.

Je me farcis, dans la panse de brebis,   
ton laïus horribilis contre la sodomie,
ton veto sur cette pratique animale.
Le loup doit se contenter de la bergerie,
au nid soit qui anal y pense.

Tu me fais revenir, dans la margarine,
sur le sujet de tes deux prénoms.
Je suis bipolaire et tu es féminine.
Tu es Paule par le nord, tu es Ève plus anodine.

De ce qu'on a dit je suis confus,
ce qu'on n'a pas fait et ce qu'on fit.
Ton plumage parfait vaut mieux que ton Rāma.
Y a de la poupée trouée pour lui chez Confo.
-Non ! C'est de la barbie bouchée, tu confonds !
-Y a aussi une hache pour le bois qu'on fend ?
-Y a surtout ton sac pour aller aux confins.

jeudi 28 juillet 2011

Vénérer, révérer et énerver Perec et qelqes êtres

L'enlèvement

Tels Verne et Wells, je prends les pennes, dépense de l’encre et mets en texte l’enquête que menèrent S.H. et le frère de crèche de ce mec. Je mets frère de crèche et que les pédés grecs se revêtent ! Je ne fréquente ce genre de préférences. Je représente le bel éphèbe de trente et quelques, serf empressé des femmes et présentement dégrevé de serments.
Le temps se presse vers l’été et les prés verts se dessèchent. Le vent léger lève lentement les gréements des nefs et les emmène en mer vers des terres de denrées recherchées que les nègres vendent en perte. Les élèves en éternelle récré se détendent et ne pensent guère en des rentrées détestées. L’enlèvement de l’évêque d’Exeter crée chez les news des démêlés que les gens décèlent : ce n’est que mésentente entre les énervés et les réservés. Des révérendes mères pensent que l’évêché est trempé en de sévères péchés et les prêtres détestés célèbrent des messes en des temples que les gens désertent. Des gentlemen tempérés en l’excès émettent des réserves, pressentent l’événement éphémère et pensent que c’est bête de déterrer les serpes de guerres.
Pressé, je rentre et espère S.H. présent. Le célèbre expert en démêlement est levé, des mèches rebelles et emmêlées le gênent, le nez revêche est en reflet et des cernes émergent tellement que je pense en l’excès délétère de "seven per cent" récemment. S.H. se perce fréquemment le derme (je repère que c’est enflé) et ce remède de merde l’emmène vers des édens rêvés et éphémères. Je tempête et  S.H. se vexe, tend le membre dextre, prête serment et ment :
-« Je ne prends de speed de même que le frère de Mémé c’est Vernet, le french des fresques. Réel de réel ! † de chêne, † de fer, je mens et je me jette en enfer ! »  
Des vécés, je l’entends déféquer des selles détrempées et ce que je sens empeste et m’énerve, je préfère des excréments fermes.   
-« Well ! Je relève des dépêches sévères. The queen, régente de cette terre, ne permet cet enlèvement. Elle se sent lésée, très blessée. Elle présente cette requête, que je mène l’enquête. » me prétend l’expert, les fesses serrées.
-« Que chercher, S.H. ? » 
-« Très cher, j’entreprends les recherches dès que des éléments se présentent. Je pense enquêter en vêtements décents et me vêts présentement. »
-« Mettez des effets légers, S.H., le temps très clément ne semble guère gelé et l’ensemble en tweed n’est guère sensé. Ce n’est qu’en septembre que les vestes se ferment et en décembre que les guêtres reprennent. » 
Je descends les quelques degrés vers le rez, seventeen steps nettement recensées. S.H. me précède et prend pédestrement vers Regent Street. Le West End ne semble déréglé, les gens se remettent lentement de l’événement et j’entends même des sentences guère décentes jetées vers de frêles femmes excédées de cette légèreté. Des clebs émettent des jets vers les réverbères, le revêtement est grevé de fèces de setters. Quelle gêne !
-« S.H. ? »
-« Yes ! »
-« Repérer l’évêque en cet enfer, c’est chercher des fléchettes en des gerbes de blés enténébrées. Cette géhenne rend hébétés même les elfes et les fées. » 
-« Certes, très cher ! »      
Vers le centre, les gens en excès se pressent, émergent des venelles resserrées tels des ensembles de guêpes véhémentes, entrent prendre des verres, entreprennent de se présenter, se respectent, se mettent en vedette, s’énervent, se hèlent. Bref ! Ce n’est guère désert.
Près de St Clement en Fleet Street, bel exemple entre les quelques temples pérennes de C.Wren, le nez exercé de l’expert, tel le teckel dressé, se tend et décèle des relents éventés en des fenêtres élevées. Je repère sept échelles créées en des essences recherchées : ébène, frêne, hêtre, chêne, cèdre, mélèze et teck. S.H. jette les dés, prend l’échelle de chêne et s’élèvent vers les fenêtres, elles révèlent membres, ventre, sexe, vertèbres et tête enchevêtrés que dépècent des dents et des becs entêtés. Le verre est dense et se blesser n’est que gêne.  S.H. redescend et tente d’entrer, c’est fermé. Les clés de l’expert se présentent en des pênes rebelles et l’entrée reste scellée. S.H. s’énerve que cette herse ne cède, prend des esses emmenées exprès et les met entre les éléments très serrés de cette entrée que les fers fendent net. S.H. pénètre et les bêtes gênées se dépêtrent de l’encerclement, ne restent, se dépêchent vers les ténèbres. L’expert penche le chef vers ces déchets et révèle le secret de cet éventré, ce presque squelette. C’est les restes de l’évêque décédé. Je me sens gêné, mes lèvres tremblent et je gerbe, je rends des crêpes chèrement cédées (dépense de trente-sept pence). S.H. se redresse et me tend des kleenex de dentelle.
Cet élément de l’enquête me rend perplexe.   
-« Je sèche, S.H., que détecter de cet événement ? » 
-« Je ressens cette enquête éthérée tels les rêves, les règles que crée Perec et celles qu’engendre A.C.D. ne s’entendent guère. Les lettres que ce texte ne permet se vengent. Remember quel genre de bêtes démembrèrent l’évêque, ce n’est des belettes, des chèvres, des zèbres, des crevettes. Je lève l’empêchement de révéler les lettres extrêmes, le règlement est excepté le temps d’épeler en vert lama, ibis, dodo, fugu, alpaga, ouistiti, bonobo, urubu. »
Je reste hébété et vert de détresse, des êtres célestes génèrent le réel et ce réel n’est que texte ! ? ! Ce réel que mes sens bernés pensèrent terrestre est d’essence lettrée ! Cette exégèse blesse l’entendement.
L’excellent S.H. et l’élève réservé rentrent prendre le thé et le dessert ensemble.
Rentrés et le thé versé, je lèche le reste de crème renversée (excellente recette de Mrs H.) et pense :
-« Et l'alpaga, le lama ! Ces bêtes ne vénèrent que l’herbe, que gérèrent-elles en ce dépècement ? »       
S.H. tente :
-« Le guet, très cher ! »
Je ne m’étends, le terme de cette enquête est prêt, elle prend les sentes des légendes éternelles. There’s never end… 
J.H.W., M.D.      




 Postface

Ce texte est évidemment un hommage flagrant à Georges Perec mais afin de ne pas trop le plagier, je me suis interdit de relire Les revenentes que j’ai découvert il y a une vingtaine d’années. Si des similitudes trop importantes devaient apparaître, trois causes possibles pourraient alors être invoquées :
 -Mon intellect a si bien digéré le texte, voici maintenant deux décennies, qu’il en recrache des bribes en les croyant de son fait. Quel prétentieux !
-Les mêmes contraintes finissent invariablement par reproduire les mêmes effets. La sélection naturelle des mots bien pourvus est le mécanisme essentiel de l’évolution du texte (je ne m’embourberai pas plus profond dans une réécriture darwinienne de 3000 ans de littérature,  mais si le cœur vous en dit !).
-C’est Perec qui a copié sur moi grâce à un  curieux effet rétroactif, le plagiat par anticipation,  concept redoutable qu’il se plut à imaginer dans Le voyage d’hiver sans se douter qu’il se retournerait un jour contre lui tel le monstre de Frankenstein (il est intéressant de noter que ce phénomène purement philosophique fut étudié en dehors de tout effet physique tel qu’on le trouve dans la littérature de science-fiction abordant le thème du voyage dans le temps). 
La contrainte de ce texte est la même que celle de mon illustre devancier, mais si elle obéit à un commandement d’ordre lipogrammatique monovocal nous obligeant l’un et l’autre à n’utiliser pour seule voyelle que le e, les modalités de son application en diffèrent légèrement. Perec s’interdit les qu et les transforme en q, ce qui est à mon sens un peu gratuit et assez inélégant (voir le titre du message de ce jour à titre d'essai) à moins que, ayant démonté les touches interdites de son clavier, il s'en soit trouvé réduit à de telles extrémités. Quant à moi, laissant les qu proliférer, je m’autorise dans un même élan les gu tant qu’ils sont le durcissement de la lettre g et ne ferai donc pas le gugusse (bien qu'ayant le droit d'être bègue) puisque dans ce cas, le u s’entend comme voyelle. L’important est qu’à l’oreille le texte tende vers un triphonisme classique, non tournesolesque et propre à la lettre e (é-è-e) bien que les mots de prononciation anglaise (speed, seventeen) constituent une exception à la règle ainsi que bien entendu les nombreux cas de voyelles nasales (règlement). Je trouve que ce n’est pas trop abuser, pas plus que Perec qui se permit d’user du y pas seulement en tant que consonne, sans parler de ses fautes d’orthographe volontaires, y compris dans le titre de l’œuvre, pour arriver à se sortir du merdier de 125 pages où il s’était fourré. Il fallait quand même tenir la distance et modestement, je reconnais avoir fait plus court.
La contrainte est forte et pour m’en sortir, j’ai du prêter au Docteur Watson des propos et des tournures de phrases qu’il n’aurait certainement pas tenus à l’époque victorienne. De même, opérant de hasardeux glissements sémantiques, j’ai été contraint de tordre le cou de certaines expressions afin d’en redresser les vertèbres vers des tournures plus conformes à l’absence des voyelles censurées. Plutôt que d’expliciter les cas un peu obscurs par des notes brisant la belle uniformité du texte, je renvois les lecteurs curieux à la consultation des dictionnaires. Prescrits en doses raisonnables avec quelques grammes de réflexion, une once de bon sens et une bonne bouillotte, ils s’avèreront d’excellents remèdes à la perplexité des moins perspicaces.
Pour apporter une couleur locale à cette aventure se passant à Londres, quelques mots anglais parsèment le texte, certains sont bilingues comme le tweed, d’autres tombent à pic comme Moriarty dans les chutes de Reichenbach, lui pour ses crimes, eux pour leurs e. Les traducteurs en manque, désireux d’adapter cette œuvrette dans la langue de Shakespeare, seront amusés et soulagés de rencontrer des mots bien commodes conservant leurs propriétés en traversant la Manche, tel l’enfer qui devient the hell et la préposition entre donnant between.
Le choix de l’évêque d’Exeter, personnage des Revenentes, est une autre composante de cet hommage. Ne croyez pas que j’ai cédé à la facilité, j’aurai pu imaginer le sergent-chef de Leeds ou le délégué des bergers de l’Essex. En l’introduisant dans cette histoire, je le fais entrer en résonance avec les vécés du 221B Baker Street dont on ne trouve pas trace dans le Canon, mais rien ne m’interdit de penser qu’ils existaient puisque leur invention date des années 1860 et qu’aucun pot de chambre n’est non plus évoqué par Conan Doyle. Georges Perec, pendant son service militaire, inventa cette blague : une bonne sœur égarée entre dans un bistrot tenu par un Auvergnat et demande son chemin :  « L’évêché, s’il vous plaît ? », on lui répond : « Au fond du couloir ! ».
Les esprits cartésiens qui s’étonneront de voir un dodo, volatile disgracieux disparu depuis le XVIIIème siècle, ainsi qu’un fugu, poisson mortel apprécié des kamikazes de la cuisine nippone, déambuler dans Londres sans éveiller l’attention, voudront bien considérer ces animaux échappés d’un zoo très spécial qui se nomme littérature populaire (une grande spécialiste de l’évasion) et se consoleront en imaginant le fugu véhiculé à travers les rues dans un bocal porté par le singe bonobo (mesure morale pour occuper les mains de ce grand palucheur sexuel) et le dodo en tant que spécimen naturalisé du British Museum rendu à la vie par les rituels égyptiens de l’ibis sacré. Quand on veut massacrer proprement un évêque, il ne faut pas lésiner sur des moyens que n’auraient pas reniés les grands feuilletonistes du passé. À noter que si le lama ne participe pas directement au carnage de part son régime strictement végétarien, il existe une seconde hypothèse pour expliquer sa réserve. D’après certaines sources autorisées, l’animal serait quelque peu métissé, sa mère omnivore l’ayant prénommé Serge.
Watson se plaint des déjections canines rencontrées sur le trottoir. Mais comment reconnaît-il là les méfaits des setters plutôt que ceux d’une autre race ? Probablement aura-t-il omis de rapporter les ingénieuses déductions que lui soutint Holmes tout en cheminant, afin de mettre à l’épreuve sa récente monographie sur les crottes de 33 espèces de chiens et la manière de les identifier en mettant le nez dedans. À moins que cet écœurement justifié ne soit qu’une façon codée d’exprimer un autre dégoût beaucoup plus douteux à l’encontre des miséreux qui s’aventuraient pour mendier jusque dans le cossu West End. La plupart étaient venus d’Irlande comme les setters.
D’autre part, je voudrais remercier Ysabelle Salembier-Picard qui m’a mis l’eau à la bouche grâce à son propre hommage perecquien, La mort du kuknos, un texte dépourvu de e mais non de talent dans la continuité de La disparition. En le lisant sur le site de la Société Sherlock Holmes de France où il est disponible, j’ai ressenti une violente pulsion me commandant d’insérer mon tenon dans cette mortaise, de glisser mon e minuscule et majuscule (cela dépend) dans cette plaie ouverte de voyelles afin de réconforter l’alphabet blessé. Dans l’hypothèse où elle prépare elle-même un texte à la contrainte identique, j’espère ne pas lui avoir coupé l’herbe sous le pied et l’invite à considérer cette bagatelle non comme un viol littéraire, mais plutôt comme une imbrication entre amoureux des belles lettres.
Ce texte ne se contente pas  seulement d’être un clin d’œil à Perec. En pratiquant cette œillade un peu voyante, la pupille s’est accidentellement retrouvée encombrée de cils qui sont autant de petits hommages parasites à des auteurs que j’adore et sans qui mon intérêt pour la littérature serait resté  moindre.
Le bon Docteur Watson s’étonne que son univers ne puisse être qu’une façade, un décor de théâtre en toile peinte, quelque chose de plat comme la page que je peux froisser, comme l'écran plat Samsung que je peux agencer, manipuler, digitaliser, numériser du bout des doigts en ne tempérant guère mon clavier. Tout à coup, le rideau se déchire et révèle la véritable finalité de cette réalité truquée : un tube à essai pour des entités souvent cruelles et pratiquant des expériences parfois dénuées de compassion. Des adeptes de cette religion la liste est longue, de Jorge Luis Borgès aux scénaristes de Matrix, de William Blake à William Gibson, mais il en est un qui me tient particulièrement à cœur : Philip K. Dick qui berça de noirceur mes soirées adolescentes quand le crépuscule tardait à tomber si bien que j’en venais à douter de l’été même. Pendant mes lectures, je surveillais les grosses mouches d’orage persuadé d’avoir à faire à de petits espions robotisés.
Quelques années plus tard, William S. Burroughs prit le relais avec ses scolopendres et je le remercie de m’avoir fait éprouver le choc réaliste de ses personnages déféquant dans des chiottes sordides entre deux prises de came. J’ai voulu m’en souvenir en présentant un célèbre cocaïnomane sur ses toilettes victoriennes. Le lecteur ne déduira rien des effets de la drogue sur le transit intestinal, je n’ai effectué aucune recherche dans ce sens. La diarrhée du grand détective est purement fortuite et si un expert me prouve qu’une solution à sept pour cent de cocaïne provoque au contraire une constipation irrémédiable, je la combattrai à grands renforts de pruneaux. Dans les œuvres de Burroughs, les camés sont souvent gays et c’est une piste vers les goûts sexuels de Holmes tels que les supposent certains pasticheurs d'Arthur Conan Doyle. L’énergie que déploie Watson à réfuter d’éventuelles accusations de camaraderies trop poussées avec son colocataire est plus que suspecte et semble indiquer qu’il aurait subi des avances de sa part, une rude épreuve pour un hétérosexuel victorien.
À l’inverse de Watson, Sherlock Holmes ne semble guère surpris de n’être qu’une suite de signes sur du papier (je ne pense pas qu’il soit à même d’en comprendre la version informatique) et puisqu’il cite Perec, nous sommes bien obligés de nous rendre compte qu’il était au courant depuis le début. Cette conscience qu’a le personnage du texte où il évolue nous renvoie à tous les individus de papier qui en firent l’expérience plus ou moins poussée, de l’obscur pressentiment à l’acceptation totale, de Don Quichotte à Achille Talon.  
Le cadavre de l’évêque est retrouvé près de l’église St Clement Danes, une œuvre de l’architecte Christopher Wren, grand bâtisseur du XVIIème siècle qui fit reconstruire 52 des 87 églises détruites lors du Grand Incendie de Londres en 1666. Les sept échelles que Watson découvre inopinément sont là pour créer un lien ésotérique avec les sept églises (échelles vers Dieu) évoquées dans L’architecte assassin, un roman de Peter Ackroyd où Wren apparaît comme personnage secondaire. Peter Ackroyd est aussi l’auteur d’un Grand incendie de Londres, titre également utilisé par Jacques Roubaud pour son énorme récit autobiographique dont la sixième et dernière branche intitulée La dissolution a été imprimée avec plein de jolies couleurs (dont un vert que j'ai réutilisé pour écrire mes animaux dévergondés et dévoyés par leurs vilaines voyelles) mettant bien en valeur toutes les incises et toutes les bifurcations de ce monument littéraire. Jacques Roubaud côtoya beaucoup son ami Georges Perec au sein de l’Oulipo et écrivit une suite au Voyage d’hiver.
Je vais maintenant mettre fin à cette postface pédante qui telle la grenouille voulant se faire plus grosse que le bœuf, a tant enflé qu’elle dépasse le texte en longueur et prétend prendre sa place si bien que l’ancien prétendant en est réduit à l’état de prologue. Cette éviction du trône a pour effet de transformer le tout en un hommage à Vladimir Nabokov qui imagina un procédé similaire avec Feu pâle. Un renvoi d’ascenseur bien mérité puisque dans ce roman, on trouve l’interrogation suivante : « Était-ce dans Sherlock Holmes, ce personnage dont les traces allèrent à reculons quand il mit ses chaussures à l’envers ? ».

lundi 25 juillet 2011

Pratiquer la position du lecteur couché

Il en va de même pour les livres que pour les femmes, les malmener augmente quelquefois notre plaisir mais toujours diminue notre moralité. Il ne faut rien avoir appris à leur fréquentation pour oser encore perpétrer tous ces dos brisés, ces pages déchirées, ces couvertures défraichies aux coins fatigués. L'imbécile arguera qu'il est de peu d'importance de torturer un livre qui, à l'inverse du beau sexe, ne possède aucune volonté pour s'y opposer ni conscience pour en souffrir. Voilà bien l'argument d'un piètre lecteur qui passe plus de temps à tripoter le papier de ses doigts crochus qu'à saisir le sens profond du texte qui est pourtant là sous ses yeux et ne demande qu'à être gentiment dévoilé. Un texte qui nous rappelle constamment qu'il est d'autant plus courtois de respecter un être qui semble n'avoir aucune défense. En lecteur avisé, c'est aussi faire preuve d'une stratégique prudence, bien des livres maltraités ont su se venger par des moyens retors dont on les croyait dépourvus. Ces esprits de papier tout en volume et en jaquette ont leurs petits caractères et peuvent frapper de folie les lecteurs indélicats à coups de paragraphe encore humide de la dernière averse d'encre ou les ruiner par d'incessantes notes de bas de page sur les fleurs et les bijoux.
Des précautions sont donc à prendre en manipulant les livres. M'étant récemment équipé de lunettes de lecture ― il était grand temps ― je vais de nouveau pouvoir assouvir une ancienne passion: lire au lit, jouir d'un livre en amoureux de la littérature et ce dans toutes les positions. Mes anciens verres progressifs ne me permettaient plus cette fantaisie autrement qu'en la position du missionnaire, ce qui est bien triste sauf à lire la Bible qui est plus triste encore. Afin de ne pas commettre d'impairs qui pourraient froisser le papier de mes partenaires successifs, je compte y aller avec précaution et en homme averti. J'ai donc décidé de réviser mes connaissances de base, les rudiments sont utiles pour atténuer les rudoiements, et me suis procuré le Kāma-sūtra de la Lecture Pour les Nuls en édition de poche que je lirai de jour et dans le canapé pour ne pas mettre la charrue avant les bœufs sacrés. Dès l'opuscule terminé et le crépuscule entamé, je filerai au pieu et baiserai l'univers entier qui m'attend déjà les pages bien écartées et la reliure souple, confiant en ma délicatesse à ménager son dos et à respecter sa coiffe. À moi La Lionne de Kessel, à moi Le Saule de Selby, Le Singe de Kafka et toute une brouette de Sud-américains que je préfère aux rares Thaïlandais. Comme Proust qui longtemps s'est couché de bonne heure, comme Perec qui longtemps s'est couché par écrit, je sens que longtemps j'irai me coucher par plaisir.
Je ne fus pas trop étonné quand je découvris après coup que le titre choisi pour mon texte existait déjà pour nommer un blog de lecteurs. Il est vrai qu'une telle couverture de J.P. Manchette incite au détournement, la chose est aisée. Mais ma surprise fut immense quand je tombai sur l'unique page du Kama Sutra of Reading, œuvre du designer dessinateur Seymour Chwast. Le livre que j'ai imaginé auparavant est un peu différent, je le vois illustré avec des positions représentant un seul lecteur masculin et son bouquin en guise de partenaire, conformément au ton pseudo-crypto-misogyne et foutrement bibliophile de mon texte.
La planète est aujourd'hui peuplée de six milliards et demi de créateurs potentiels sans compter le travail abattu par les morts depuis quelques milliers d'années. Presque tout a été pensé, dansé, dit, chanté, dessiné, peint, gravé, écrit, imprimé, enregistré, filmé, numérisé... Les temps sont durs pour la nouveauté tant les ressources naturelles de la création s'épuisent. Nous avons déjà commencé à recycler.

vendredi 22 juillet 2011

Continuer la partie au-delà des règles

Il était une fois un pauvre roi au teint mat qui n’avait pas de terres, il s'appelait Pat et était en partie nul. Il se morfondait toute la journée en maudissant la case sous ses pieds. La case, se sentant insultée, se dérobait sous lui. Ses pieds, ne sentant plus la case, l’insultaient à leur tour en sentant le fromage qui se dit Käse en allemand. La tour, ne sachant ce qu’elle fichait dans cette histoire, attendait son tour et pour l’instant, n’insultait personne. L’histoire, assez embrouillée, aurait préféré s’arrêter là. Aussi, le pauvre roi la débrouilla en s’arrêtant là, las de cette histoire embrouillée. Les lecteurs de cette histoire se sentaient embrouillés eux aussi, barbouillés même, comme s’ils avaient avalé trop d’œufs brouillés et de couleuvres pour faire descendre. Non, les couleuvres ne font pas de cendres, sauf le mercredi mais cette histoire se passe un vendredi à dessein. Elles font juste glisser les œufs brouillés car elles sont glissantes mais ne peuvent faire descendre l’histoire qu’avale le pauvre lecteur qui, s’il attrapait un cheval, cavalerait loin de cette histoire cavalière et goberait n’importe quoi d’autre, y compris des œufs non brouillés ce qui est préférable, l’œuf cru se gobant mieux que l’œuf brouillé ou que l’œuf au plat. De cette histoire se passant sur du plat, le narrateur en fit tout un plat, un plat tonique et sans sexe pour l'instant mais ça n'allait pas tarder, et ce devint une histoire de fou. Le fou, un pion parvenu par promotion qui ne se foulait pas souvent, fut pourtant la cheville ouvrière de cette histoire. Tout tourna autour de lui quand il s’évanouit en proposant au roi sans terres mais qui ne s’appelait pas Jean, de se faire appeler Jules pour lui damer le pion. Il connaissait justement une dame hautaine mate qui cherchait un jules pour faire n'golo dans la case, vu qu'ils étaient tous les deux dans le camp des noirs. Le roi, voyant qu’il n’était qu’un pion dans cette histoire, épousa cette dame au sacré con et au pieu, avant de pioncer,  planta son pieu dans cette terre consacrée. Personne ne saura si la graine y germa car ils ne vécurent pas heureux et moururent à la fin de cette histoire. La tour, qui attendait son tour depuis un bon moment en écoutant du roque, s’effondra sur eux en s’écroulant de rire.

mardi 19 juillet 2011

Faire ou ne pas faire une omelette

Je ne fais pas d'omelette sans casser des œufs. Le massacre est si bien organisé que j'ai peine à croire, en voyant cette mer étale et légèrement mousseuse d'un jaune orangé, qu'il m'ait fallu éventrer les innocentes coquilles placides d'une demi-douzaine d'hypothétiques coqs de combat ou de poules de luxe. Je ne m'inquiète pas trop à ce sujet, les pondeuses étant élevées au couvent, leurs œufs ne sont pas fécondés. Après l'abandon du calcaire brisé comme les débris d'un accident automobile, je fouette à mort dans un carnage indescriptible le mélange de sperme blanc et de sang jaune pour obtenir une solution vaincue et prête à servir d'écrin baveux à des miettes de jambon douteux rescapées du naufrage de la veille, à des champignons de circonstance évadés de boîte et naviguant de conserve sur la mer jaune aux côtés de pousses de soja chavirées comme des boat-people. L'omelette est l'art de la récupération poussé assez loin, parfois jusqu'au bout du monde. D'un côté ces coquilles en cent fragments anguleux comme un puzzle difficile, de l'autre une écuelle monochrome comme une piscine chinoise après la révolution culturelle. Les deux composants de cette nature morte forment un tableau saisissant de l'activisme culinaire perpétré sur le stratifié ouvrier de ma cuisine populaire. C'est si déprimant de commettre cet acte de gastronomie furtive, ce désespoir du ventre, quand je ne sais plus quoi manger, blasé des nouilles du jeudi et du rosbif dominical sans avoir le temps ni l'art, ni la manière, ni le courage de coiffer la toque. L'omelette est certainement le dernier repas du candidat au suicide qui brise la coquille de la vie, écrivant à la fourchette d'un mouvement saccadé son testament ovographe. Quitte à cuire des œufs, je préfère souvent cet hymne à la jeunesse que sont les œufs au plat, véritables petits nichons pubères sur soutien-gorge en téflon, la paire d'œufs à la coque que je consomme toujours en utilisant deux coquetiers jumeaux, copieux testicules dans un suspensoir bochiman et je rêve des autruches..., ou les œufs durs qui sont des globes oculaires ayant perdu leurs pupilles à trop regarder les filles et qui, coupés en rondelles, évoquent les pâquerettes des champs de crudités où s'ébattent les amoureux, longtemps, longtemps, avant le temps des œufs brouillés.

lundi 18 juillet 2011

Penser avec sa tête

Le marcheur en randonnée pense avec ses pieds.
Le démarcheur en comprimés pense avec sa langue.
Le voyageur comprimé pense avec ses coudes.
Le conducteur sanglé pense avec son cul.
Le chauffeur cinglé pense avec ses couilles.
Le baiseur dénudé pense avec sa peau.
Le voyeur excité pense avec ses yeux.
Le branleur obsédé pense avec sa bite.
Le joueur de ukulélé pense avec ses doigts.
Le raboteur de parquet pense avec ses genoux.
Le suceur comblé pense avec sa bouche.
Le prédateur enragé pense avec ses dents.
Le jouisseur des banquets pense avec sa panse.
Le mangeur affamé ne pense pas avec ses oreilles.
Le dormeur affalé pense avec son dos.
Le masseur, le kiné pense avec ses mains.
Le boxeur entraîné pense avec ses poings.
Le buveur imbibé pense avec son foie.
Le goûteur de beaujolais pense avec son nez.
Le dégustateur de cabernet pense avec son palais.
Le lanceur de palets pense avec son bras.
Le brasseur anglais pense avec son aile.
Le traiteur caennais pense avec ses tripes.
Le soigneur de plaies panse avec des strips.
Le chanteur engagé pense avec ses plaies.
Le rimeur de sonnets pense avec ses vers.
Le barbouilleur de musée pense avec ses croûtes.
Le littérateur envenimé pense avec son pus.
Le rigoleur de Rabelais pense avec sa rate.
Le prêcheur de bénitier pense avec sa chair.
Le bienfaiteur de charité pense avec son cœur.
Le vainqueur écœuré pense avec son vomi.
Le batailleur entaillé pense avec son sang.
Le déserteur enterré ne pense plus avec ses os.
Le plongeur en apnée pense avec ses poumons.
Le grimpeur des sommets pense un peu pareil.
Le penseur éclairé pense avec son cerveau.

Le yogi pratiquant la posture du crâne (śīrṣāsana) pense avec sa tête.
La brute donnant un coup de boule pense avec sa tête. 
Ces deux-là sont les degrés extrêmes sur l'échelle de la pensée.

dimanche 17 juillet 2011

Regarder les escargots

Le temps est à la pluie, une tribu d'escargots peu farouches surgit sous mon nez. Ces étranges bestiaux sans domicile fixe mais à l'appartement fixé sur le dos, sédentaires itinérants, nomades assignés à résidence, oxymores vivants, décrivent sur le sol pierreux des itinéraires ésotériques, laissant des trainées de bave aux tracés emmêlés comme certaines toiles de Jackson Pollock. Ils naviguent sur une mer solide, une paire de mâts de beaupré turgescents à la proue, tels des caravelles molles aux voiles sphériques à la recherche d'une Amérique de légende. On leur a raconté des salades, un Eldorado de laitues, une Cibola de batavias et ces conquistadores du duché de Bourgogne aux armures spiralées sont bien décidés à en baver. Animaux déterminés, ils savent parfaitement sur quel pied danser. Laissons-les courir, l'estomac dans le talon, vers leur destination sans craindre de les voir s'égarer car si tous les chemins mènent à Rome, ils mènent ipso facto à la romaine (lactuca sativa longifolia).

samedi 16 juillet 2011

Mettre les choses au clair

Le blog d'à côté ne s'appelle pas Les Moulineaux, ici n'est pas Issy, n'est pas ailleurs et Issy est là-bas. Par ailleurs, je peux confondre sans problème le Mali et Lima, je m'en fous, je n'irai pas. Il faut prendre la route du démon à contresens d'un banal tour du monde, préférer le blog au globe. Ici est un gag, un palindrome, tu arrives à l'envers et tu n'en vois rien. C'est clair !

vendredi 15 juillet 2011

Retrouver le sommeil

Mon message d’aujourd’hui est écrit de bonne heure puisque je me couche tard, quasiment le lendemain. J'ai perdu le sommeil et l'ai cherché partout. Ce n'est pas facile de retrouver un truc aussi immatériel, je préfèrerais qu'il soit un objet comme le réveil. Sur la table de nuit, il y aurait le réveil et le sommeil ou bien un appareil unique cumulant les deux fonctions. Comme le matin le réveil me réveille, le soir le sommeil m'endormirait. Ce serait mon sommeille-soir, garé à côté de mon réveille-matin, pas facile à égarer. Puis j'ai eu l'idée de regarder sous mon lit, pensant que c'est une excellente cachette pour le sommeil, un endroit à l'envers, un endroit tout près de celui qu'il n'aurait jamais dû quitter. Il n'y était pas non plus, par contre il y avait beaucoup de moutons. Je les ai comptés mais ça ne m'a pas endormi pour autant. Ce n'étaient pas les bons modèles alors j'ai passé l'aspirateur. Depuis, j'aspire à mieux dormir. J'espère retourner longtemps à la poussière  avant de retourner à la poussière.

jeudi 14 juillet 2011

Partir maintenant

             
Entreprendre un voyage vers ici est mon but, je l'ai déjà atteint. Pas besoin de bagages, c'est l'avantage. Voyager très léger, sans valises à me faire chier. En fait, ne pas bouger. C'est le 14 Juillet, il y en a bien assez à défiler. Moi je me défile, je me mets au défi de continuer demain ce voyage immobile.