mardi 15 octobre 2019

Bricoles : 028 - Encyclique


Les nouvelles pratiques urbaines de locomotion ont le vent en poupe, et, sans qu'il soit besoin d'en voiler les roues, l'avancée de la bicyclette dans les rues de nos villes est indéniable. Un grand nombre de citadins l'a adoptée, parmi lequel nous retrouvons la proportion habituelle de rapaces et de malpolis. Hier encore, d'un pas distrait dans Laval et croyant longer en toute sécurité l'avenue qui menait à mon emplette, j'ai failli servir de râtelier à la roue inquisitrice d'une dame de la haute qui m'est arrivée dans le bas du dos sans prévenir ; sacoches Vuitton, cale-pieds Louboutin, gueule d'empeigne, chapeau de zozo, ni pardon, ni bonjour : je n'étais que du fretin qui n'aurait pas dû frétiller hors du sillage que m'avait tracé à l'avance cette grande visionnaire. Je tiens à souligner que ce bref épisode de démence cycliste s'est entièrement déroulé sur un trottoir, et qu'il n'est nul besoin de maîtriser les arcanes de la science étymologique, ni d'accéder aux entrailles de la mammalogie, pour comprendre de quelle manière nous nous devons d'arpenter cette catégorie d'espace public munis des appendices dont la nature nous a pourvus, exception faite des personnes en fauteuil, en landau et en poussette qui, pour des raisons humanitaires, sont autorisées à s'y prendre autrement. C'est aussi une théorie qui ne tient pas la route de s'imaginer que le nom palindromique de cette cité en particulier puisse inciter de la sorte ses habitants à agir en dépit du bon sens, quand on voyage un peu l'on s'aperçoit vite que ce comportement détestable est endémique dans toutes les grandes agglomérations. Mais quel désagrément pour l'honnête passant sont ces vélocipédards qui, faute de pistes réservées et n'aimant pas se faire bousculer par les voitures, préfèrent par lâcheté enquiquiner les piétons en choisissant d'assumer leur vélocité comme agresseurs plutôt qu'en victimes. La morgue des bourgeois, bohèmes ou pas, qui apparait déjà bien assez à travers les vitres pourtant polluées des grosses berlines ‒ SUV qui peut , devient plus flagrante encore quand ils traversent dans nos clous sur leurs machines ubuesques le bonjour d'Alfred , l'increvable dédain de leurs pneumatiques fendant le flot contraire des passants. Au nom de quels passe-droits leurs guidons s'inclinent à peine face à la compacité de la foule ? Par quelles déviances rechignent-ils à modifier leurs trajectoires un peu gauches ? Quelle inertie sociale les contraint à glisser ainsi entre des marcheurs agacés, sans freins ni sonnette ? Quel bovarysme écolo les pousse à circuler l'étole au vent et la chambre à air comme s'ils étaient seuls au monde dans un décor à la Walking Dead ? Histoire de leur mettre des bâtons dans les roues, nous pourrions nous acclimater à la marche nordique sur les trottoirs, mêlant pour une fois, ce qui ne serait guère coutume, facétie et struggle for life dans un joyeux bordel. Nous entamerions leurs camemberts tournoyants, rayon après rayon, quartier par quartier, menant sans relâche une guerre d'usure des bandes de roulement jusqu'à libération de nos plates-bandes à nous les Walkers, jusqu'à la fonte de ces visages de glace, qu'ils rétropédalent vers le pays du sourire en cheminant à côté de leurs destriers tenus en bride, que nous puissions légitimement recommencer à marcher à côté de nos pompes et à louvoyer sans être équipés de clignotants, encore moins de feux de détresse. Merdre alors !