mercredi 6 avril 2016

Qui ?




















En littérature, entrer dans la tête d’un personnage implique que nous sachions pas mal de choses sur lui parce que nous devenons cette personne, et l’auteur doit faire preuve d’un minimum de subtilité s’il veut nous dissimuler l’identité de celle-ci, tout en nous révélant son groupe sanguin, la marque de ses chaussettes ou le prénom désuet du premier amour de sa vie. Au cinéma et dans les séries, nous pouvons hélas être baladés un bon moment sous le crâne de quelqu’un sans rien partager d’autre que les stimuli qu’il reçoit par son canal audio-visuel. L’image et le son ne nous donnent pas accès directement à une information utile du type : qui suis-je, moi que Negan massacre ? Nous voilà conviés à un banquet de spéléologues chez Platon, ou peu s'en faut. Il y a bien sûr pléthore d’indices enregistrés par les yeux et les oreilles de la victime, mais peu arrivent jusqu’au bon cerveau, c’est-à-dire notre cerveau de spectateur, pauvre hère qui doit se résoudre à l’ignorance en pensant que les séries et le cinéma, s’ils accordent une place d’honneur à l’action et aux gros sabots sentimentaux, restent un art peu introspectif et à sept lieux de l’omniscience d’un lecteur de romans chaussé pour le trekking, un divertissement légèrement enfantin où les comptines et les jeux de pistes dans les sous-bois le restreignent dans le meilleur des cas à la vision indigente d’une espèce de Koh-Lanta gore. Nous attendrons donc patiemment, avec la morgue des grandes personnes revenues de tout, la septième saison de The Walking Dead pour savoir qui.