jeudi 31 juillet 2014

Gloubi-boulga




un siècle achevé
de funès aurait cent ans
ils ont tué jaurès


mercredi 30 juillet 2014

Aviation





mouche moribonde
pourquoi descends-tu groggy
crever dans mon thé

dimanche 27 juillet 2014

Commerce




la clé usb
bourrée d'or et de données
regagne le port

samedi 26 juillet 2014

Liberté




cette prison verte
ne m'effraie pas de ses ronces
j'y mange les mûres

samedi 19 juillet 2014

Urbanisme





la poliorcétique
carrément obsidionale
siège de métro

vendredi 18 juillet 2014

Haute couture




aperçu la huppe
lors d'une soirée mondaine
au fond du jardin

vendredi 11 juillet 2014

Un autre monde

Oui, je suis un naïf croyant à un monde imaginaire dans lequel une banque réglant une succession par-dessus la jambe, et détenant toutes les coordonnées de la famille affligée, devrait dans un premier temps réparer son erreur par elle-même, puis dédommager chaque héritier du préjudice commis à hauteur de dix pour cent du patrimoine concerné, enfin ses représentants légaux déployer des excuses pieds nus et en chemise devant le parvis de l’église locale utile à quelque chose pour une fois, avant que d’avoir les pouces et les index tranchés, qu’ainsi ils ne palperaient plus jamais les grosses coupures, que leurs doigts manquants les priveraient pour toujours des joies du clavier, qu’en regardant leurs moignons ils se souviendraient jusqu’à la retraite qu’on ne laisse pas sans surveillance un stagiaire sur un dossier, à part ceux des milliardaires, qu’il devrait les accompagner impérativement à chaque migration vers la machine à faire les cafés jusqu'à ce qu’il en ait compris le fonctionnement en vue de les y confectionner et de les rapporter seul.
Pour apprendre, il est important de commettre des erreurs afin d’en tirer des leçons. Au début, en dépit d’instructions pourtant fort claires, le breuvage serait présenté à ces messieurs-dames dans une approximation inconfortable quant à son degré de chaleur, à sa force en caféine, à sa teneur en sucre, à sa rallonge en eau, à la position spatiale de son volume par rapport à une surface de référence appelée paroi du gobelet. Puis, des progrès conséquents constatés, notés et répertoriés après maints brûlages de gueule, chemisiers foutus et autres pantalons condamnés au pressing, il serait temps avec toute la prudence requise de former l'apprenti à des taches plus subtiles et pourvues d’un accent circonflexe...

jeudi 10 juillet 2014

ǝsınbuɐq

     .

au-dessus du monde
sous le plafond gris de crasse
un pholque médite

mercredi 9 juillet 2014

Un tanka, tant qu'à faire




dans proust comme ici
le narrateur et l'auteur
l'un voit l'autre écrit  .....................vers optionnel : là est la question
    ceci n'est pas un journal
    je ne suis pas samuel pepys*



* à prononcer pips
   tant à londres qu'à cambridge
   il faut le savoir

mardi 8 juillet 2014

Convolvulus pathemarconis



gramophones blancs
je n'entends pas la musique
fleurs de liseron

samedi 7 juin 2014

Turn


quoi écrire en juin
qui évoque la saison
l'été sera-t-il

l'orage menace
montrant mon poing au ciel noir
je menace aussi

sur le fil du temps
un équilibre se crée
on se tient à l’œil

un nuage crève
à l'horizon samedi
un rideau s'abat

pas de pluie qui mouille
l'herbe drue de ma pelouse
je tonds aussi sec

dans cette machine
la foudre est domestiquée
pas comme là-haut

l'électricité
m’incitant à avancer
en boustrophédon

jeudi 29 mai 2014

Premier naufrage du jour


brossage des dents
au-dessus du lavabo
neuf heures du mat

d'entre mes molaires
une graine de lin brun
chute sur le blanc

et suit la marée
du tonygencil moussant
la pauvre est noyée

essuyer un grain
est une expression connue
je l'applique ici

des gouttes de sang
de ma gencive irritée
miment un pollock

les amateurs d'art
se demandent quel tableau
un peu retournés

considérez bien
la première ambassadrice
du muesli maison

lundi 19 mai 2014

Cinq ascètes au sommet de leurs styles


Flaubert écrivait
croissait tel un chêne mûr
que la mousse tache


Walser écrivait
le cerveau en promenade
des pattes de mouche


Kafka écrivait
assez laid de sa personne
la métamorphose


Borges écrivait
aveugle comme deux taupes
tunnels bifurquant


Perec écrivait
avant sa disparition
de doux lipogrammes


jeudi 8 mai 2014

Cinq boissons chaudes




banni le café
le matin un chocolat
pas un banania                            
                                                à Alexandre Dumas



onze heures maté
trop chère la bombilla
je suis sur la paille                              
                                                à Roberto Arlt



un lapsang souchong
embaume après déjeuner
un cafard fumé                             
                                                à Sherlock Holmes



cinq heures sonnées
j'emmerde big ben ding dong
pour moi chicorée                                   
                                                à Napoléon



tournée de rooibos
chaque soir le roi se meurt
puis le boss rebosse                   
                                                à Michel Bouquet


samedi 3 mai 2014

Haïkus et lentilles


du côté du Puy
cuisson lente des lentilles
l'eau pure du puits


mieux qu'un tgv
plus courante est la corail
rose délavé


le chemin du fer
est moucheté d'escarbilles
l’œil ne peut s'y faire


l'opticien formel
les lunettes vous habillent
tri catégoriel


ma nouvelle vue
m'évite cailloux et billes
les filles sont nues


mardi 29 avril 2014

Un peu de ma correspondance


















Cher fils,
Hier soir, j'ai regardé La Vie d'Adèle ― Chapitres 1 et 2 (Blue is the Warmest Colour). Comme je le pensais, ce film est effectivement beaucoup mieux que La Graine et le Mulet du même réalisateur, il n'y a pas photo (ah ! ah !). Léa Seydoux en lesbienne virile, c'est un peu plus subtil que Josiane Balasko autrefois. Cette gamine au visage de pucelle préraphaélite, que je voyais si féminine dans ses autres rôles, m'époustoufle de plus en plus. Jusqu'où ira t-elle après ça ? L'autre, Adèle jouant Adèle, que je découvre, m'inspire moins confiance. Si ce personnage est fait pour elle, du sur-mesure flagrant, percer ensuite avec autre chose lui sera plus difficile. Mirettes de chien battu et quenottes de lapin vont la coincer dans un répertoire de victimes, et son très beau cul ne suffira pas à la sortir des collets qui lui seront tendus.
J'ai trouvé le film assez futé, soufflant de la poudre aux yeux de Christine Boutin. Dans cette histoire d'amour, l'homosexualité mise en avant par la critique et les médias n'a que peu d'importance. Elle est banalisée et admise par à peu près tous les personnages, y compris par ceux qui ne savent pas ; rien ne laisse supposer le contraire. Les parents d'Adèle, à qui la chose est cachée, intéressent peu Kechiche. On ne saura donc pas par la suite s'ils l'auront bien pris quand leur fille majeure et moins chaperonnée se sera mise en ménage avec sa belle gouine aux dents de loup, et l'on s'en fout un peu, le vrai sujet du film étant ailleurs.
Ce qui motive l'examen approfondi de cette passion somme toute anecdotique entre deux femmes, c'est la fracture culturelle qui se superpose à une fracture sociale légère, un peu douce (on n'est pas dans le gouffre lillois opposant les deux familles du Long Fleuve Tranquille). Entre les succulentes pâtes maison à la bolognaise et les huitres de chez un traiteur branché, entre un gagne-pain rassurant d'institutrice et la navigation à vue du statut d'artiste peintre, entre un parler fruste, souvent fait de négations devant les crimes découverts, et les discours flûtés bien qu'un peu creux sur l'art de Schiele mesuré à celui de Klimt, entre Questions pour un Champion en fond sonore et la Loulou de Pabst projetée sur écran nonchalant, tout est là qui montre pourquoi ces deux filles ne finiront pas leurs vies ensemble. Ce conte initiatique d'un torchon chez une serviette est impitoyable.
Quant aux scènes de bidoche claquée, pincée et enduite de salive qui ponctuent la relation d’Emma et d'Adèle, elles sont assez plaisantes à l’œil, et aussi goulues, pulpeuses et charnues que les nues peintes ou sculptées qu'elles contemplent ensemble à la Piscine de Roubaix.
Donc, même si ce n'est pas le chef-d’œuvre que tu prétends, j'ai passé un agréable moment devant ce film de trois heures qui ne m'a pas paru trop long une seule seconde. Je te remercie de me l'avoir conseillé. Cependant une chose m'intrigue : toi qui affirmais naguère être ennuyé par les histoires d'amour, je suis un peu surpris de ton engouement pour celle-ci. Mais peut-être as-tu commencé ton propre Bildungsroman.

jeudi 17 avril 2014

Rêve et crime éroticologiques

Ah ! cultiver les Charlotte, les Amandine en plein Paris
(un pari insensé),
et les voir porter les petites robes des Champs.
Mon Arc serait bandé de joie,
Monarque papillonnant parmi toute cette soie,
Doryphore brandissant ma lance.
Ne pas oublier de les butter,
puis me faire épingler de nuit
avec ma binette dans le journal.
Me réveiller dans mon propre mitard.
Assez tôt, vers midi, y repenser.
Travailler, et publier le soir,
avant minuit, obligatoire.

mardi 15 avril 2014

Ô raison

Elle voulait toujours avoir raison. C'est ainsi que cette fois-là, réalisant que j'avais raison de lui donner raison, elle voulut très fort avoir tort. Mais sa nature reprit le dessus. Elle se contenta donc de me donner tort de lui donner raison. Quand je reconnus qu'elle avait bien raison sur ce point, elle tenta une dernière pirouette, s'emmêla les pinceaux innombrables lui tapissant la langue, et se tordit une des chevilles qui les articulent. Moi, le seul raisonnable, je me portai à son secours. Ta raison à toi est enchevêtrée dans la trahison, lui dis-je, tes haches aussi. Les haches de toutes les histoires que tu fais pour me hacher menu et me transformer en steak soumis, bien cuit et pas sashimi pour un sou. Tu ne réaliseras ton rêve de puissance² qu'en renonçant à le fantasmer. Tu dois extraire de toi le chiendent qui te pousse, la racine qui t'obstine carrément. Je te le dis sincèrement, moi qui suis translucide comme le riz revenu, qui suis homme à ne pas partir. Aucun rhizome là-dessous pour secréter la malice dont je suis dépourvu. Moi qui suis si conciliant, qui ai toujours recherché la paix, et qui veux qu’un jour on m'enterre comme une hache de guerre, ultime ruse de Sioux. Ces mots-là claquant à la porte de ses oreilles, les derniers qui parvinrent à son entendement, furent le déclic de sa fin. Abandonnant toute raison, se rendant à la mienne, elle s'immola sur le tranchant de mes petites phrases qui tuent, simulant un suicide qui, j'en ai bien peur, n'était en fait qu'un assassinat.
Six mollahs m'écoutent à présent au pied du catafalque, attentifs et garants qu'elle n'ait pas rebondi trop durement dans une autre vie. À ce que je crois, elle en dispose de neuf. J'ai eu beau lui régler son compte, quant à savoir où elle en est dans ses dépenses, je donne ma langue au chat.

vendredi 4 avril 2014

Troubles multiples, confusions certaines


Jean Léon Henri Gouweloos (1865-1943), École Belge.

Belle ondine dénudée devant les nénuphars,
en toi les tritons, troublés, tombent dans les pommes.
Les rainettes un peu connes, s'abusant, piquent un fard,
pendant que le gardien, aussi niais, pique un somme.

La ville d'Amiens, demeurée, crie et dépose plainte.
Le carreleur, faute d'avocat, y perd le nord.
À son tour, Lille perdant la bataille, tombe enceinte.
Mais c'est toi, belle ondine, qui recueilles le trésor.

dimanche 30 mars 2014

Cingler le printemps

Χρόνος s'étant livré la nuit dernière à quelques menus travaux d'aiguilles dans le tissu moiré du temps, nous sommes donc condamnés à chercher midi à quatorze heures jusqu'au dernier samedi d'octobre. Ainsi, le démon de midi, s'il ose pointer le bout de sa queue, ne me damnera pas avant quatorze heures. Autant de gagné pour toutes les intéressées : cent-vingt minutes de répit aux yeux des filles à la taille de sablier bronzant sur cette plage horaire. Si nous vivions à l'heure solaire, ç'aurait été quarante injonctions d'aller me faire cuire un œuf à la coque. Cette mise en quarantaine m'indiffère, moi qui ai déjà doublé ce cap dans mon petit bateau, les couilles au large. Je suis actuellement dans ma cinquantaine à Saint-Quentin, selon la formule de Jacques Bens, et je ne m'y sens pas très à l'aise, cherchant vainement à savoir s'il s'agit de la sous-préfecture de l'Aisne ou de la prison en Californie. Peut-être n'y a t-il aucune solution à cette énigme, les deux planques étant aussi sinistres l'une que l'autre, des villégiatures peu appréciées, du moins pour l'une si l'on repart en quatorze.
Mais cessons de nous apitoyer sur mon sort en sortant le nez ici où le temps se fait. Le soleil est là, la lune on s'en branle. Déjà, des rayons de miel chauffé, perçant un ciel voilé comme une iranienne, semblent prometteurs d'un beau printemps. Déjà les abeilles et les hippopotames s'éveillent, fragiles encore. La fenêtre de la salle de bains est sur le qui-vive, après sa formation accélérée de close combat à Beyrouth. Elle peut compter sur moi, je suis aux anges et l'épaulerai sur l'aile gauche. La potion de vitamine C, de magnésium, d'anti-mousse et de lettres anonymes que je m'envoie chaque matin commence à faire son effet. Hier, je me suis écrit que j'irai mieux aujourd'hui. Comme d'habitude, ce n'était pas signé mais je me suis reconnu grâce à mon style inimitable. Résultat des courses : c'est un peu gagné, et j'ai très envie d'une canicule tout de suite, que l'astre du jour se fasse péter la ruche. Après tous ces étés en demi-teinte, si peu rois-soleil, je veux l’œuf dur à Pâques et le bifteck saignant à l’Ascension. Il y va de la liberté de notre démocratie : si les ventilateurs chromés suréquipant depuis deux lustres le quatrième âge ne sont pas rentabilisés sur-le-champ, le Front Néandertalien, prochainement au pouvoir, a projet de les recycler en drones pour surveiller la jeunesse qui rappe sur les banquises périphériques, et se les claque en anoraks doublés de fourrure d'ours blacks. Bon cheval, j'arrête ici mon char céleste.  

dimanche 23 mars 2014

Les dangers de la lecture

Nous pouvons dire d'un livre que c'est un excellent bouquin ou un mauvais bouquin. Cette formule magique pour émettre un avis tranché ne nous pose pas problème. Un sésame en somme, une graine qui fera germer l'envie d'ouvrir ou non l'entrée qui n'est pas la sortie de la caverne de Platon ni celle de Saramago. Ali Baba on s'en branle, quarante éditeurs suffisent. Mais rien de plus agaçant que l'accusation de bouquiner. Bouquiner c'est criminel, ça tue la lecture. Bouquiner n'est pas lire. Lire est une passion, une vocation, une drogue dure, un travail, un gouffre dont nous revenons abîmés, de la suie des pages soulignant notre regard comme un eye-liner, le casque cabossé et la lanterne éteinte d'avoir trop lui vers lui l'auteur. Bouquiner c'est aller à la pêche le dimanche, effleurer des pages détruites d'avance, du broché, jeter un œil voire deux (un troisième serait le bon), occuper l'ennui de ceux que n'avoir rien d'autre à faire terrorise. Bouquiner c'est bon pour les magazines maudits et quatre-vingt-dix pour cent des romans policiers. Bouquiner c'est survoler un paysage qui restera caché à moins d'être totalement plat, c'est souhaiter que l'avion ne s'écrase pas, même en Belgique, qu'un pilote à la témérité grippée reste agrippé aux commandes. Bouquiner c'est rester bouc pour qui la lecture rend chèvre. Bouquiner c'est rester kiné quand le corps du livre appelle à la sexualité. Tant de gens se mettent au lit avec un bon bouquin dans l'espoir d'y trouver le sommeil, alors que la vraie lecture réveille l’esprit. Vouloir se détendre avec un vrai livre relève de l'oxymore, autant prétendre se désaltérer avec un whisky. La grosse masse des lecteurs fonctionne à la flotte et n'entend plus rien à la littérature : on voit même des gens lettrés, c'est-à-dire issus des facultés et exerçant des professions libérales, caler devant le moindre roman un peu complexe, un peu prétentieux, un peu revêche, se rebiffer dès que la phrase n'expose plus simplement les faits, les sentiments et les idées à la manière des quotidiens ou des dictionnaires qu'ils consultent fébrilement, sentant un monde leur échapper entre les lignes où il n'y a jamais rien eu, où il n'y aura jamais rien parce que, bordel, tout est là sous leurs yeux, noir sur blanc, les ombres projetées sur le papier rocher, pas de cadeau et rien d'autre qui permette de faire autrement qu'avec ça, ni âne, ni bœuf, ni sauveur. Bouquiner c'est se résigner aux journalistes historiques, comme en peinture on se résigne aux figuratifs, et adieu le courant de conscience qui ne ruissellera pas entre les plaques tectoniques de la boîte crânienne d'un lecteur trop terre-à-terre. Trouver un roman bien écrit tel un tableau bien peint est grotesque, il faut le trouver bien lu. Et s'il est long, il faut le trouver tout court. N'ajoutons rien.