(à Carlos Liscano)
Mon trousseau de prisonnier ne comprend rien qui me permette de m'enfuir, il n'y a pas plus différent d'un trousseau de clefs.
Avec le souci le plus louable de remplir au mieux sa mission, mon geôlier est aimable comme une porte de prison.
Le petit lavabo de ma cellule a un robinet qui fuit ; étrangement, personne ne s'en inquiète.
Dans ma cellule, je trompe l'ennui en remplissant des grilles où les mots se croisent, et je rêve de m'évader par les cases noires.
Une fois de plus, mon tortionnaire Knock – je l'appelle ainsi parce qu'il frappe fort – m'a reposé son éternelle question : « Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous grattouille ? ».
Là où je suis écroué, le mobilier est boulonné au sol, la chaise a des barreaux.
On raconte que le tennis de table est un sport très pratiqué au sein de la prison ; il nécessite peu d'espace, et les balles sont en celluloïd.
Après avoir fumé un pétard que je cachais dans mon pétard, je vois ma taule onduler.
Au plafond de ma cellule, la ventilation légèrement bruyante joue la fille de l'air.
Aujourd'hui, mon geôlier est venu dégraisser la serrure de la porte de ma cellule, afin qu'elle fonctionne moins bien.
Ce matin sous la douche, en tenue d'Adam, un codétenu m'a forcé à croquer la pomme ; c'était un peu dur sous la dent.
Je ne tape pas du morse sur la tuyauterie avec ma cuillère à soupe ; mon voisin de cellule est pédé comme un phoque, comme les autres.
Sur les barreaux de la fenêtre de ma cellule, j'ai dessiné un cheval ; il m'a l'air d'un drôle de zèbre.
Ce soir, un aumônier est venu me voir dans ma cellule pour me parler de son dieu ; je lui ai dit que je n'avais pas besoin d'un gardien supplémentaire, que l'Univers n'était pas une prison, qu'il pouvait toujours en chercher les murs.
Un détenu américain m'a dit qu'ici il n'y a pas de femmes parce que la prison est jalouse : « Prison is jailhouse ! » répète-t-il d'un ton malicieux.
Ce midi au déjeuner, j'ai eu droit à mon avocat et à mon œuf dur ; pendant notre entretien, j'ai brisé ma coquille.
Mon autre tortionnaire, Harpagon, m'a confié vouloir arrêter la gégène ; l'EDF va augmenter prochainement ses tarifs.
Au fond de mon cachot, je sirote un Cuba libre ; la paille est humide.
Après deux années de torture, mes bourreaux m'avouent leur impuissance ; nous passons directement de la cave de la prison au comble de l’inefficacité.
Le Cuba libre est un cocktail à base de rhum, de cola et de lime...